"En route, le mieux c'est de se perdre.

Lorsqu'on s'égare, les projets font place aux surprises

et c'est alors, mais alors seulement, que le voyage commence."

(Nicolas Bouvier)

Gazette n°11 : De Chos Malal à Barrancas - 16 avril 2011

Après 2 jours d'arrêt les chevaux étaient en pleine forme et j'ai eu bien du mal à les garder calmes sur les 10km de la mythique route 40 qu'il nous fallait suivre avant d'atteindre la petite route de terre que je voulais prendre. Petite route forte intéressante car passant en altitude dans le parc naturel del Tromen, magnifique et très peu fréquenté en cette saison. Tout le monde me l'avait fortement déconseillé : altitude, froid, isolement et piège à vaches soit disant incontournables. Au final, je ne regrette absolument pas d'avoir été têtue. La majesté des paysages méritait bien d'avoir froid et l'isolement n'était pas un problème en soi.

Première raison de réjouissance, nous avons trouvé sur le chemin un nouveau compagnon. Un chien gris qui portera le nom de Grisou (si peu original mais c´est le nom qui m´est venu) s´est joint à la caravane. Nous nous sommes rencontrés à La salada, petit village à l'entrée de la route du parc. Je m'y étais arrêtée pour pique-niquer quand un fermier  curieux est venu papoter et m'inviter à entrer chez lui pour boire le maté. Dans la discussion, il s'inquiète de ma solitude. Je lui explique que depuis le début du voyage, je cherche à adopter un chien de la rue sans en rencontrer un capable ou désireux de me suivre. "Pero hay uno aqui ! Le estoy tirando piedras y no se quiere ir. No tiene dueno, llevatelo si quiere" me dit-il en me montrant un petit gris peludo (poilu). ("Mais il y en a un ici ! Je lui lance des cailloux et il ne veut pas s'en aller. Il n'a pas de maître, emmène-le si tu veux"). Encore fallait-il que le peludo accepte de me suivre. Un petit gâteau sec, une grosse caresse, un "veni" ("viens") et voilà le peludo tout content de se coller aux basques de Mojito. Ce chien là a eu l'habitude de suivre des chevaux et est ravi de trouver un maître. En l'espace d'une demi-journée, il est devenu un vrai pot-de-colle demandant des câlins et assurant immédiatement son rôle de protecteur face aux autres chiens. Il est d'une maigreur alarmante et mange avec avidité. Il suit les chevaux sans difficulté pourtant et plein de joie n'hésite pas à galoper derrière les nombreux lièvres que nous croisons.

Restait à affronter l'isolement. Si nous sommes passés par des chemins déserts, ne croisant parfois qu'une camionnette par jour, ce qui n'est pas pour me déplaire, ce ne fut pas pour autant la grande solitude puisque nous avons rencontré des puestos tous les 5km environ. Mieux, tous les soirs, grâce à l´accueil chaleureux des bergers, pas une seule nuit sous la tente, herbe verte pour les chevaux et asado de chivas (viande de chèvre grillée, délicieuse) pour moi. Grisou profite des os.
Quant aux pièges à vaches, certes ils m'ont compliqué la vie mais n'étaient pas insurmontables. Pour ceux qui ne connaissent pas, ce n'est pas une tapette géante pour attraper les vaches mais un obstacle les empêchant de passer tout en permettant le passage des voitures. Ils sont très dangereux à franchir avec des chevaux. La plupart du temps, il s'agit de rondins métalliques posés au sol au-dessus d'un trou et suffisamment écartés pour que les sabots ne puissent tenir dessus. Si le cheval y pose le sabot, il risque de le coincer dans le trou et de se casser une patte. J'ai dû les recouvrir de grosses pierres plates pour former un pont sur lequel les chevaux pouvaient marcher puis passer les chevaux un par un en main. Au final, ils ont mis un pied dessus et ont sauté le reste.
Depuis quelques temps, le temps hésitait entre l'été et l'hiver et le jeu consistait à avoir à portée de main les vêtements adaptés à toutes les températures. Dans le parc d'El Tromen, nous avons expérimenté l´hiver passant par un col à 2150m entre deux volcans aux sommets enneigés (Cerro Tromen 4114m, Cerro Wayle 3296m). Marcher dans la neige, quelle joie ! Mais il nous a fallu également affronter tempête, neige, vents terribles. Passer des manches courtes, sandales à la doudoune, gants, bonnets en moins de 2h, voilà qui rappelle que la montagne se respecte et se craint. J'étais heureuse d'être accueillie dans les bergeries car la température descendait bien en-dessous de -10°C durant la nuit. J'ai tentée de couvrir Cléto avec les vet-beds pour la nuit, inquiète de sa grippe récente mais il s'en est débarrassés et j'ai eu bien du mal à les retrouver dans l'immense pré où il se trouvait. Finalement, je pense que les chevaux ne craignent pas les gelées nocturnes car ils ont maintenant un très beau poil d´hiver. Cléto surtout ressemble à un ours. Certes ce sont des chevaux de Patagonie !

Sur le chemin, nous avons été accueillis par la famille de German. Le temps s'était brutalement gâté avec un vent de face qui nous empêchait de mettre un pied devant l'autre. Très impressionnant. German m'a proposé un abri et le reste de la journée s'est déroulée tranquillement à boire le maté et à jouer au truco, le jeu de cartes local.
Deux de ses chiens nous ont ensuite suivis toute la journée. Voilà comment on passe de 0 chien à 1 puis 3 en l´espace de 24h !

Puis nous avons dormi chez Rubens et Norma dans un petit puesto haut perché sur le Tromen (un froid terrible mais quel spectacle !!). Dans la descente, je rencontre Fermi, un jeune berger de 19 ans, déjà père d´une petite fille de 2 ans tout comme sa sœur cadette de 17 ans. Ils sont 12 frères et sœurs et sont tous déjà parents. Il nous accueille gentiment et fait griller une épaule de chèvre tuée dans la journée. Ambiance très chouette, garçon très courtois, jusqu'à ce qu´il me raconte ses exploits : batailles au couteau, cutter dans la gorge de la maitresse à l'âge de 10 ans, prison pour mineurs...etc... J'ai ensuite dormi avec le reste de la chèvre accroché au-dessus du lit, d´un sommeil peu tranquille.

Les chevaux continuent à se porter bien. Ils n´ont pas maigri, ce qui étonne les gens de rencontre. Ils sont toujours aussi beaux et en état.
La montée au col a été un peu dure pour Mojito mais la descente joyeuse, moi à pied pour économiser les articulations de mon fidèle destrier.

La descente sur Barrancas qui porte bien son nom (falaises) nous réservait un panorama spectaculaire. Le volcan Payun à la crête enneigée semblait flotter sur les nuages. A ses pieds, un paysage lunaire de falaises et roches de toutes couleurs: blanc, gris au noir et toute une palette d´ocres tirant vers le rouge. J´en ai le souffle coupé, et peine à croire qu´on soit encore sur Terre. Mars, peut-être?

Le camping municipal de Barrancas (ces campings sont gratuits) et sa magnifique herbe verte nous a permis de nous reposer 2 jours. Nous y étions seuls avec quelques poules, camping fermé donc chevaux en liberté, heureux de se goinfrer, de dormir et de suivre par dessus la palissade l´actualité équine du village. Avec Grisou, nous apprenons à nous connaître. Ce nouveau compagnon m'étonne par son obéissance. Il me suit partout, mange avec gloutonnerie à une vitesse incroyable, garde la tente, grogne même les chevaux lorsqu'ils viennent brouter trop près. Le village est tranquille et se prête idéalement au repos, beau soleil, vue magnifique sur le volcan Payun. Repos apprécié ! Tout le monde va très bien.  

Nous quittons la Province de Neuquen dans quelques km pour rentrer dans celle de Mendoza. Prochaine gazette de Malargüe dans 15 jours environ. D´ici là, il est peu probable que je puisse me connecter.

Gazette n°12 : De Barrancas à Malargüe - 26 avril 2011

Adieu Neuquen ! Bonjour Mendoza ! Changement de province mais toujours sa majesté la cordillère des Andes à nos côtés.

 

De Barrancas, direction Ranquil Norte. Nous avons d´abord passé le pont servant de frontière entre la province de Neuquen et celle de Mendoza. La police ne nous y a pas contrôlés (pourquoi donc avons-nous perdu du temps pour obtenir ces libretas sanitarias?) La journée fut très difficile, le chemin passant par le désert et une chaleur terrible sans une goutte d´eau pour les chevaux. Les paysages restent spectaculaires, faut-il le répéter au risque de vous lasser ? A Ranquil, arrêt au camping municipal où pas une herbe ne pousse. Les chevaux ont donc mangé du foin. Nous avons continué par un chemin "raccourci" passant par un col El Choque. Sur ce chemin pas de voitures, nous sommes bien tranquilles. La route 40 que nous suivions depuis Barrancas n´est cependant que très peu fréquentée. Le chemin suit un paysage désertique puis arrivé à un col, on aperçoit en bas une rivière. Autour de la rivière, des arbres, de l´herbe, des pâtures, des bêtes, des hommes : le miracle de l´eau. Ces oasis ont le don de m´émouvoir chaque fois plus fort. Dans les puestos, toujours la curiosité, le temps pour la discussion, l´accueil, l´amitié. Le temps est autre ici. Le temps des bêtes dont il faut prendre soin et du soleil qui rythme les journées de ces petites maisons sans électricité. Distribuer le maïs, seller le cheval, partir vérifier le troupeau de chèvres, alimenter le poêle en bois mort, aller puiser l´eau à la source toute proche, boire le maté avec les voisins en visite, regarder couler les nuages s´il y en a, tuer une chèvre pour le repas du soir. Merci à Secundino pour son accueil et les longues discussions du soir autour du feu. 

Le lendemain, il fallait passer le col et redescendre vers El Alambrado. 50km et une arrivée au trot et galop à la nuit tombante. Les chevaux ont prouvé qu´ils pouvaient mettre les bouchées doubles. Je dois par contre, réveiller Grisou pour la pâté du soir tellement il est fatigué. Mojito a un peu pelé son rein. Mais après un jour de repos, il n´était plus douloureux. Le reste du raccourci a été plus tranquille, tout en descente douce vers El Manzano et le puesto de Magdalena et Bernardo, deux petits vieux très émouvants. Magdalena m´y apprend à filer la laine. Nous partageons la soupe. 

Reste une journée pour arriver à Bardas Blancas où nous souhaitons prendre un jour de repos. Au départ, Grisou boite. Les pelotes commencent à lui faire mal. L'étape de 50km, était trop longue pour lui. J´arrête une voiture et le fait emmener au poste de police de Bardas. Quant à nous, nous continuons tranquillement la route sans nous douter que l´après-midi sera rude. 2h à nous battre contre un terrible vent de face qui nous fouette les yeux de grains de sable. Cà fait mal ! Cléto affronte courageux, Mojito caché le nez dans sa queue. Parfois, nous faisons quelques pas de côté poussés par la violence de ce vent du nord qui fait passer le mistral pour une petite brise.

A Bardas, Jorge Vilar nous prête un pré et pour moi une petite caravane douillette (la casilla). Je vais chercher Grisou au poste de police. Joie de ce petit bonhomme qui se croyait abandonné.

Bardas Blancas doit son nom à une bande de roches blanches qui balaye la montagne de son trait oblique. On trouve dans le coin des os de dinosaures et de magnifiques grottes. L´eau du pré est soufrée. Les chevaux n´en veulent pas et doivent être abreuvés au seau. 

 

Malargüe est à 2 jours de plus par un autre raccourci passant par un autre col, heureusement moins haut. Nous dormons quasi au sommet face à un panorama magnifique de sommets enneigés. Il fait très froid, nous sommes à plus de 2000m. A 19h30, il fait nuit, nous avons tous mangé et je me glisse dans le duvet jusqu´au lendemain 8h, retour du soleil et de sa bienheureuse chaleur. Longues et réparatrices sont les nuits. Grisou grogne, pourvu qu´aucun puma ne s´approche des chevaux. Je tends l´oreille. Le meuglement d´une vache, le cri d´un oiseau nocturne, et le sommeil a raison de moi.

 

Nous nous approchons de Malargüe et j´ai enfin du réseau pour le portable. Je n´en avais pas eu depuis Chos Malal. Je peux enfin rassurer la famille et les amis inquiets de ma disparition et prêts à lancer des avis de recherches... 

 

Ici Malargüe, nous y fêtons les 1000km parcourus avec la famille Ubillos, dueños d´une finca (ferme) avec un grand pré vert pour les chevaux et de nouveau un lit pour moi. Impossible de planter une tente ici, en quelques minutes les gens s´insurgent qu´ils ont un lit libre dans la maison et qu´il fait trop froid la nuit pour dormir dehors. Comment refuser le moelleux d´un matelas et la douche chaude quand on a mal au dos ? Joyeuse soirée familiale devant le poêle. Je participe aux devoirs et aux jeux des enfants, prépare la cuisine, malaxe la pâte à pain. Le téléviseur toujours allumé, apporte d´autres sujets de conversation. Simple et chaleureux. Un jour de repos et de ravitaillement.

 

Demain départ pour El Sosneado. 2 jours de route puis un autre arrêt, plus long chez la famille Remon, José Luis, Marta et Sol, amis d´un précédent voyage. Comme je suis contente de les revoir. 

Gazette n°13 : De Malargüe à El Sosneado - 4 mai 2011

De Malargüe à El Sosneado, 2 jours de route.

Nous avons commencé par traverser Malargüe, sous la pluie, ce qui m´a valu quelques frayeurs grâce à mon cher Cléto. A être si isolé, Mr a oublié ce qu´était une voiture, une maison, un enfant, un chien, un sac plastique... bref, il s´énerve et s´inquiète de tout, marche en crabe, fait quelques sauts de côté (sur le goudron mouillé et glissant, j´aime pas trop), mais nous finissons par traverser la ville. La pluie continue, glacée). A midi, pour chercher un abri pour déjeuner, je rentre dans une immense ferme où l´on cultive l´ail et la pomme de terre. Les ouvriers sont aussi immobilisés par la pluie et pour tuer le temps s´apprêtent à tuer un cochon et une vache. L´on m´invite à rester. Ma foi... je suis bien tentée ! Me voilà au sec, devant le feu devant servir à "peler" le cochon. Toute l´après-midi, les hommes s´activent autour des bêtes. Le soir, asado et un bon lit chaud (merci Nadia). Les chevaux profitent d´une belle pelouse, Grisou des abats du cochon.

 

Le lendemain, beau soleil et une grosse étape mais nous arriverons finalement assez tôt. Sur la route, les sommets enneigés de Las Leñas (station de ski réputée qui ne profite qu´aux étrangers ou aux argentins les plus riches).

Marta nous accueille, quelle joie de se revoir...

 

Nous resterons 6 jours à El Sosneado. Repos et activité familiale et agricole.

Je fais du pain au four à bois et il est très réussi. Nous faisons 64 bouteilles de tomates pelées. Et chaque soir, il faut aller chercher les juments qui paissent dans un campo ouvert, pour éviter qu´elles ne s´éloignent trop et divaguent sur la route. José Luis essaie Cléto et visiblement apprécie. Cléto aussi, il aime ce travail de cheval gaucho. Voilà qui le change du voyage, peut-être un peu ennuyeux (!?). Avec Sol, nous nous y essayons aussi et je monte Mojito qui galope comme un petit fou derrière les juments. Le lendemain, les tendons s´en ressentent... et il faudra quelques bains froids et un peu d´argile pour venir à bout de ses engorgements. 

 

Grâce à José Luis, je repars du Sosneado avec un confortable pilon (peau de mouton). Mon coussin naturel ayant quelque peu diminuer depuis le début du voyage, je commençais à souffrir du postérieur. Me voilà, maintenant installée sur un moelleux coussin. C´est vrai que cela change tout !! Merci José Luis !

Gazette n°14 : De El Sosneado à San Carlos - 13 mai 2011

Du Sosneado à Pareditas, bienvenus dans le désert. Végétation sèche, épineuse, voire inexistante, pas d´eau, très peu d´animaux mis à part quelques oiseaux, et une chaleur... Nous revenons au 30°C de cet été sauf quand le vent glacial de la cordillère se lève. Enlever et remettre le pull. Dire que nous aurions dû faire ces étapes en février puisque le départ était initialement prévu du Sosneado. Je peine à imaginer nos premières étapes par plus de 40°C dans ce désert...

 

Tous les 30km environ nous trouvons de l´eau. Grisou boit environ 1/2L tous les midis dans un petit bol. Couché, la langue dans le bol, il n´en gaspille pas une goutte.

Pour ne pas trop qu'il souffre des pelotes, je lui ai confectionné de petites bottes en cuir + velcro. Il a un super look !!


Le soir, nous faisons des arrêts très agréables.

 

Los Buîtres (les vautours - que je n´ai malheureusement pas vus) dans le puesto de la famille Vargas.

 

La Jaula (la cage) village minuscule (une maison et une école) est posé sur le bord d´un canyon magnifique, bordé de roches rosacés. En bas, une tumultueuse rivière, le rio diamante. Après une journée sans eau, les chevaux étaient dépités de ne pouvoir y descendre. Les rochers n´ont pas posé de problème à Grisou qui a été le seul à s´ébattre joyeusement dans l´eau cristalline et sans doute glacée.

Quant à nous, nous avons traversé un pont pas tout neuf. Et avant ? Avant, l´on faisait traverser tout le monde, humain et animaux dans un petit chariot suspendu par un câble au-dessus du torrent : la fameuse cage ! Je suis heureuse de ne pas avoir à y mettre mes 2 compagnons équins.  

L´école albergue (auberge) de La Jaula accueille 23 enfants des puestos de 7 à 12 ans (niveau primaire, peu d´entre eux continueront en secondaire au Sosneado). Ils sont hébergés avec leurs maîtres durant 20 jours puis retournent dans leur famille 10 jours. Les maîtres vivent et dorment avec les enfants.

Le rythme est très différent de celui auquel nous sommes habitués :

A 8h30 petit déjeuner, 9h lever du drapeau et hymne national puis début des cours jusqu´à 14h, puis repas, sieste, activités sportives ou artisanales, goûter, cours jusqu´à 21h, repas, puis film ou autres activités. Au lit à minuit...

Quant à moi, cela faisait déjà 2h que je dormais profondément, sur un matelas, dans une salle de classe.

L´accueil des enfants a été très chouette et je suis repartie avec de nombreux et magnifiques dessins.

 

La suite du parcours a été plus désertique encore et nous avons dû ressortir la tente pour camper dans les rivières que nous croisions tous les 30km environ. Depuis Barrancas, je ne m'étais presque plus servie de la tente (3 fois seulement). Cela m´a fait une drôle d´impression de retrouver les joies du camping. Grisou était tout content de pouvoir dormir tout près de moi et moi de pouvoir découvrir qu´il ronfle, aboie et grogne en rêvant ...!

 

En approchant de Pareditas, la nature se fait plus clémente et à mesure qu'on retrouve la couleur verte, reviennent également les habitations. Le moral des chevaux remonte en flèche. La vitesse de leur pas également. C´est une nouvelle Argentine que nous découvrons à mesure que nous nous rapprochons de la civilisation. Des ormes, des cactus, des fleurs, des palmiers, eucalyptus de 1m50 de diamètre, chañars. Une diversité botanique nouvelle s´ajoute aux habituels saules et peupliers. Une explosion de vert ! Bonheur !

 

A Pareditas, la famille Gongora m´accueille. Avec Rodriguo, nous referrons Cléto. Un petit accident de maréchalerie me vaut un beau pansement et un évanouissement. Satané Cléto qui ne peut se tenir tranquille si le moro (Mojito) ne lui tient pas la main. Un grand merci à toute la famille pour leur accueil chaleureux et leur merveilleux chocolat chaud.

 

A San Carlos, je m´arrête dans le polideportivo, centre sportif, stade, belle herbe verte et accueil chaleureux de Pedro et de Raul autour d´une bouteille de vin. Deux jours de repos. Merci à Nito qui remet des chaussures neuves à Mojito.

Gazette n°15 : De San Carlos à Costa de Araujo - 21 mai 2011

Adieu la tranquillité du campo, les chemins de terre, le silence !

Bonjour l´urbanisation, les routes, les camions et les aboiements des chiens !

Nous sommes dans la banlieue de Mendoza, pressés d´en sortir.

 

De San Carlos, nous suivons un petit chemin de terre et subissons les hurlements et parfois l´attaque des chiens. Grisou, bon chien, va au devant de tous pour se faire des amis mais parfois ceux-ci ne sont pas très coopératifs et il prend une bonne rouste. Cléto lui sert alors de guarda espalda (garde du corps) et lui sauve la mise. Il reste maintenant au pied de Cléto et peu à peu apprend à se défendre et a montrer les crocs.

 

La traversée de la ville de Tunuyan est éprouvante, bruits, klaxons...

Au milieu de la ville, une journaliste  m'arrête, m´interviewe et prend des photos pour le journal El Cuco". J´avais justement ce jour là, accroché sur le bât de Mojito, des culottes lavées la veille et pas encore sèches. Je n´ai pas vu les photos mais j'en ris encore. Voir le résultat de l'interview, ici. J'y apprends des choses amusantes. Par exemple, que je n'avais jamais monté à cheval avant le voyage.... fi de mon passé de course d'endurance.
Moins drôle, un peu plus loin, Grisou s´effraye de "je ne sais quoi" et part plein piston dans la direction inverse. Je m´en rends compte 200m plus tard, après avoir traversé, non sans mal, la nationale. J'attache les chevaux pour ne pas leur refaire traverser la route (pourvu que personne n'y touche!) et retourne sur mes pas en courant. J'appelle. J 'appelle. Après un temps qui m'a paru interminable, voilà le Grisou qui revient au galop du fond de la rue. Quelle frayeur !

 

Après la traversée de Tunuyan, nous suivons la route 40. Nous sommes abasourdis par le bruit de la circulation. Pour passer la ville de Mendoza nous faisons un grand détour vers l´EST : Carrizal de Abajo, Medrano, Palmira, Chapanay, Costa de Araujo.

 

A El Carrizal de Abajo, nous faisons une rencontre magique. Marcelo Stagnoli - l´homme à la moto comme on l´appelle - et sa femme Erica nous accueillent dans leur jardin, petit paradis au milieu du désert, Araucaria immense, belle herbe verte et tout un tas de plantes magnifiques, dont Marcelo prend grand soin. Les chevaux sont aux anges et l´amitié fait le reste.
Je profite de ce temps entre parenthèse pour visiter l´école et ses enfants, très curieux de mon histoire et moi de leurs questions ("tu es venue à cheval de France?", "elle est où ton école?", "elle s´appelle comment ta maîtresse?" - euh, c'est loin et pas seulement géographiquement !).
Il est temps également de faire un petit aller-retour au Chili pour prolonger mon visa. 12h de bus, 500km, en une seule journée, changement brutal d´échelle. Les paysages qui bordent la route qui relie Mendoza à Santiago du Chili sont grandioses, époustouflants. Mais pourquoi est-il si rapide ce bus !! Et comment font les passagers pour bouder le spectacle et dormir. Je m´écrase le nez sur la vitre et écarquille les yeux pour n'en perdre aucune miette.

Chez Marcelo et Erica, je serais bien restée. Mais la route appelle et nous repartons, larmes aux yeux.

 

Nous croisons vignes, champs et petites villes de banlieue.

Nous avons encore un temps exceptionnel pour la saison mais il parait que la pluie et le froid arrivent en fin de semaine. Un peu de fraicheur ne nous fera pas de mal.

Sur le pont traversant l´autopista (autoroute) à Palmira, Grisou échappe de peu à un choc avec une voiture bien trop pressée. Maudits automobilistes !

 

A Chapanay, j´arrive de bonne heure et Kévin un jeune garçon m´aide à trouver un endroit avec de l´herbe pour la nuit. Nous finissons par nous installer au poste de police. Je monte la tente mais le commissaire arrive et m´explique que l´endroit n´est pas sûr pour moi car tous ces policiers sont des hommes...! Policiers attention danger !!! Il me trouve un merveilleux jardin, véritable paradis, peuplé de multiples agrumes. Oranges, pamplemousses, mandarines, citrons n´attendent qu´à être cueillis. Un grand merci à Nilda et Bettina Bonanno pour leur accueil chaleureux et leur amitié. Le départ est déchirant.

 

Mojito est blessé au garrot. Je demande au commissaire si lors d'une de ses rondes, il peut m´emmener le bât ainsi que Grisou jusqu´à Costa de Araujo à 50km de là. Affaire conclue. Grisou monte dans la fourgonnette de la police, assis au milieu des caisses de bât, sans menottes. Cléto, Mojito et moi partons au trot. Mojito en longe, tout nu, de joie nous offre quelques petits coups de cul bondissants.

 

A Costa de Araujo, nous nous arrêtons 2 jours chez Roberto Quiñones dans un endroit enchanteur : la finca la Milagrosa : http://fincalamilagrosa.jimdo.com/. Je vous la conseille si l´envie vous tente de venir passer des vacances par ici. Tourisme rural de tout confort. Excellent accueil de Roberto. Nous faisons un voyage dans le temps. Ici, l´automne commence juste et les peupliers commencent à peine à jaunir. De gigantesques eucalyptus bordent le jardin, l´herbe est verte et appétissante, Grisou a des amis avec lesquels jouer, et moi, je profite avec bonheur de petits bonheurs oubliés : un vrai lit moelleux et une bonne douche chaude ! Un grand merci à Roberto.

La blessure de Mojito m´oblige à réfléchir. Changer de cheval ou abandonner une partie de la charge. Pas question de laisser Mojito. Je bricole le bât  et décide de laisser l´avaloire et les pesantes caisses de bât (6kg chacune à vide) et de les remplacer par des petits sacs. Le chargement passe de 60-65kg à 20-25kg. Adieu les outils de maréchalerie, la popotte ! Roberto promet de m´envoyer l´ensemble des objets abandonnés en encomiendas à Buenos Aires pour mon retour en avion.

Gazette n°16 : De Costa de Araujo à San Agustin de Valle Fértil - 6 juin 2011

Pour les photos passer au nouvel album :

https://picasaweb.google.com/sabfau/Argentine2

 

Nous quittons le confort offert par la finca de Roberto. Finis matelas moelleux, douche chaude, herbe verte et grasse, il nous faut traverser la province désertique de San Juan. J'hésite encore sur l'itinéraire. Rejoindre la route 40 et la cordillère me tente mais l'hiver menace et il sera bien difficile de trouver de l'herbe et de passer les cols enneigés. Passer par la valle fertil (qui n'a de fertile que le nom) offrira plus de chaleur mais des dunes de sable (médanos)... Quelque soit le choix, la route nous promet du sable, du sable, du sable et des cailloux, bien peu hospitalier pour des chevaux. Parfois quelques rares flaques de boue font la joie de Grisou qui souffre, sans doute encore plus que nous, de la chaleur.

Les voilà partis, malgré tout, d'un bon pas, inconscients de ce qui les attend. En raison de la blessure de Mojito, je choisis de faire des étapes courtes mais rapides. Le voyage prend alors des allures de courses d'endurance, au trot : 30km en 3h puis arrêt pour le reste de la journée. La blessure passant plus de temps à l'air, j'espère qu'elle guérira plus facilement. De toute manière quand Cléto marche vite, Mojito doit trotter. Pas de scrupules, autant mettre les bouchées doubles, au trot !

De Costa de Araujo, nous entrons donc dans le désert passant par Asuncion, San José, la Laguna Rosario. 15 jours sans herbe au milieu des dunes de sable et d'une végétation sèche, épineuse et clairsemée : chañar, algarrobo, ramblone, banado, jarilla, runquillo, clavillo (toxique). Le sable est une véritable épreuve de force pour les chevaux et pèse sur leur moral. Cléto surtout ronchonne. Ses articulations souffrent et il préfère le bon pasto verde plutôt que les bottes de foin sec que j'arrive – non sans difficultés - à leur dégoter. J´ai droit à de violents hennissements outragés de mon beau cheval revendicateur. J'imagine qu'il me crois toute puissante et me reproche de ne pas faire pousser une belle herbe appétissante pour la nuit. Si je rencontre une fée qui me demande de faire 3 vœux, ce sera mon premier, promis !

Les conditions sont difficiles mais l'accueil est fantastique. A Asuncion, je m'arrête chez Carmelo et sa femme gaucha. Ma première gaucha ! Il y en a donc, quelle joie ! C'est elle qui, à dos de mule et en jupe, emmène les chèvres grignoter l'herbe quasi inexistante. A San José, je sympathise avec Isidoro Villegas qui m'accueille chez lui. Il se dit très honoré de me recevoir et manifeste beaucoup d'émotion. Il sera totalement impossible de refuser de dormir dans son propre lit pendant qu'il se confectionne une couche dans la grange. Situation fort peu confortable.

Je suis fascinée par la patience des Argentins, leur tranquillité, leur capacité à  s'adapter, à ne pas se cogner dans leur vie, à en accepter la sobriété et le manque de confort, à s'entraider. Une leçon de générosité renouvelée chaque jour. Nous partageons une soupe et quelques œufs durs quand la famille voisine vient se joindre à nous. Les enfants ont amené des petits mots et des dessins, les hommes des guitares, les femmes un pain rond et chaud. Nous passons une soirée joyeuse et chaleureuse. Je laisse tourner l'heure, consciente que la fatigue occasionnée s'ajoutera à celle du voyage. Tant pis, plus longue sera la sieste demain ! Le lendemain, je pars dans les larmes d'Isidoro. Étranges sont les gauchos argentins, images de la virilité, de l'homme rude et dur à la tâche et pourtant si émotifs. Il n'est pas honteux ici de verser quelques larmes au détour d'une de ces nostalgiques chansons du coin du feu ou comme ici dans une occasion spéciale. La femme d'Isidoro, Fatima est sur mon chemin et je promets de l'embrasser pour lui. Je pars émue, consciente du privilège offert par une telle rencontre.

A la laguna de Rosario, l'accueil est plus froid jusqu'à ce que je rencontre Nancy, Martin et leur petite Zahira. Ils me font visiter la superbe capilla de Rosario (chapelle) toute d’adobe (brique de terre crue). L'adobe associé au torchis (mélange paille/boue) est le matériaux principal utilisé pour la construction des maisons. Les toits sont en cannes (type canne à sucre). Ici même les oiseaux font leur maison avec de la terre à l'image des horneros (horno = four) qui font une maison en forme d'igloo avec de la boue. La population est issue des indiens Huarpes ou Telteca (tena = fruits, teca = murs, référence aux fruits de l'algarrobo, source principale d'alimentation). En plus de l'algarrobo, on utilise aussi le chañar, un arbre source de multiples bienfaits. On fait des confitures et des liqueurs de ses fruits, des remèdes pour la toux de sa si belle écorce orangée.

A la tombée de la nuit arrive un groupe de 10 cavaliers venant de la Difunta Correa. Hop les chevaux sont dessellés et se partagent quelques bottes de foin. Pendant ce temps là, le feu est allumé et la viande mise à griller. Des argentins sans viande, cela ne doit pas exister, même pour les voyageurs. Bien-sûr, je suis invitée et le maté passe de main en main. Ils sont très impressionnés par mon périple, inspectent avec curiosité mon matériel et me noient de conseils. A l'heure du sommeil, les selles se sont transformées en couches confortables. A ceci servent les 7 épaisseurs de tapis et les peaux de mouton des selles argentines. Je suis un peu jalouse...

Le lendemain, il faut quitter la province de Mendoza pour entrer dans celle de San Juan. Pour cela, il faut traverser le fleuve San Juan. Et pour cela, il faut trouver un passeur. En effet, il y a beaucoup de courant et le sol offre de belles piscines invisibles qui le rendent infranchissable. Riche des indications de mes amis de la veille, je trouve Felix dans une petite maison d’adobe isolée. Il me conduit au passage. L'eau tourbillonne, je me fais répéter, inquiète de ne pas avoir bien compris l'itinéraire exact. Il faut y aller. J'approche Cléto de l'abord mais ce dernier refuse catégoriquement d'entrer dans l'eau. Le sol est meuble et j'ai déjà pu me rendre compte à quel point il a en horreur les sols marécageux. J'insiste et nous nous amusons à une démonstration de magnifiques cabrés. Cléto le têtu a dit non. Je quitte pantalon et chaussures sous le regard stupéfait de mon guide et emmène Mojito en longe. Comme prévu, Cléto suit derrière comme un petit toutou. Bourrique va ! Grisou hésite 2 secondes et se jette à l'eau. Il est entrainé par le courant mais arrive à sortir de l'eau quelques dizaines de mètres plus loin. Je suis mouillée mais nous sommes de l'autre côté. Un peu plus loin, arrivée à un village, je m'arrête grignoter un bout de pain et me retrouve devant une milanesa de pollo (milanaise de poulet) invitée par Rosana (22ans, enceinte de son 5ème enfant). Générosité simple offerte au voyageur. Une nouvelle famille, une nouvelle histoire, tout un voyage.

Nous arrivons chez Naldo Morales, un magnifique indien huarpe. Ici ne vivent que des hommes, des potiers. Ils fabriquent des céramiques gigantesques à l'image de leur four semi-enterré en terre. Il leur faut toute la journée pour le monter en température et y cuire les poteries. L'alimenter de bois semble un pur bonheur quand on aime la chaleur des saunas. J'ai du mal à l'imaginer en été par 50°C à l'extérieur.

Nous quittons le confort offert par la fincade Roberto. Finis matelas moelleux, douche chaude et herbe verte et grasse, il nous faut traverser la province désertique de San Juan. J'hésite encore sur l'itinéraire. Rejoindre la route 40 et la cordillère me tente mais l'hiver menace et il sera bien difficile de trouver de l'herbe et de passer les cols enneigés. Passer par la valle fertil(qui n'a de fertile que le nom) offrira plus de chaleur mais des dunes de sable (médanos)... Quelque soit le choix, la route nous promet du sable, du sable, du sable et des cailloux, bien peu hospitalier pour des chevaux. Parfois quelques rares flaques de boue font la joie de Grisou qui souffre, sans doute encore plus que nous, de la chaleur.

Les voilà partis, malgré tout, d'un bon pas, inconscients de ce qui les attend. En raison de la blessure de Mojito, je choisis de faire des étapes courtes mais rapides. Le voyage prend alors des allures de courses d'endurance, au trot : 30km en 3h puis arrêt pour le reste de la journée. La blessure passant plus de temps à l'air, j'espère qu'elle guérira plus facilement. De toute manière quand Cléto marche vite, Mojito doit trotter. Pas de scrupules, autant mettre les bouchées doubles, au trot !

De Costa de Araujo, nous entrons donc dans le désert passant par Asuncion, San José, la Laguna Rosario.15 jours sans herbe au milieu des dunes de sable et d'une végétation sèche, épineuse et clairsemée : chañar, algarobo, ramblone, banado, jarilla, runquillo, clavillo (toxique). Le sable est une véritable épreuve de force pour les chevaux et pèse sur leur moral. Cléto surtout ronchonne. Ses articulations souffrent et il préfère le bon pasto verdeplutôt que les bottes de foin sec que j'arrive – non sans difficultés - à leur dégoter. J´ai droit à de violents hennissements outragés de mon beau cheval revendicateur. J'imagine qu'il me crois toute puissante et me reproche de ne pas faire pousser une belle herbe appétissante pour la nuit. Si je rencontre une fée qui me demande de faire 3 vœux, ce sera mon premier, promis !

Les conditions sont difficiles mais l'accueil est fantastique. A Asuncion, je m'arrête chez Carmelo et sa femme gaucha. Ma première gaucha ! Il y en a donc, quelle joie ! C'est elle qui, à dos de mule et en jupe, emmène les chèvres grignoter l'herbe quasi inexistante. A San José, je sympathise avec Isidoro Villegas qui m'accueille chez lui. Il se dit très honoré de me recevoir et manifeste beaucoup d'émotions. Il sera totalement impossible de refuser de dormir dans son propre lit pendant qu'il se confectionne une couche dans la grange. Situation fort peu confortable. Je suis fascinée par la patience des argentins, leur tranquillité, leur habitude à s'adapter, à ne pas se cogner dans des vies sans confort dont la sobriété est subie mais acceptée. Une leçon de générosité renouvelée chaque jour. Nous partageons une soupe et quelques œufs durs quand la famille voisine vient se joindre à nous. Les enfants ont amenés des petits mots et des dessins, les hommes des guitares, les femmes un pain rond et chaud. Nous passons une soirée joyeuse et chaleureuse. Je laisse tourner l'heure consciente que la fatigue occasionnée s'ajoutera à celle du voyage. Tant pis, plus longue sera la sieste demain ! Le lendemain, je pars dans les larmes d'Isidoro. Étranges sont les gauchos argentins, images de la virilité et de l'homme rude et dur à la tache et pourtant si émotifs. Il n'est pas honteux ici de verser quelques larmes au détour d'une de ces nostalgiques chansons du coin du feu ou comme ici dans une occasion spéciale. La femme d'Isidoro, Fatima est sur mon chemin et je promets de l'embrasser pour lui. Je pars émue, consciente du privilège offert par une telle rencontre.

A la laguna de Rosario, l'accueil est plus froid jusqu'à ce que je rencontre Nancy, Martin et leur petite Zahira. Ils me font visiter la superbe capilla de Rosario(chapelle) toute d’adobe (brique de terre crue). L'adobe associé au torchis (mélange paille/boue) est le matériaux principal utilisé pour la construction des maisons. Les toits sont en cannes (type canne à sucre). Ici même les oiseaux font leur maison avec de la terre à l'image des horneros(horno = four) qui font une maison en forme d'igloo avec de la boue. La population est issue des indiens Huarpes ou Telteca (tena = fruits, teca = murs, référence aux fruits de l'algarobo, source principale d'alimentation). En plus de l'algarobo, on utilise aussi le chañar, un arbre source de multiples bienfaits. On fait des confitures et des liqueurs de ses fruits, des remèdes pour la toux de sa si belle écorce orangée.

A la tombée de la nuit arrive un groupe de 10 cavaliers venant de la Difunta Correa. Hop les chevaux sont dessellés et se partagent quelques bottes de foin. Pendant ce temps là, le feu est allumé et la viande mit à griller. Des argentins sans viande, cela ne doit pas exister, même pour les voyageurs. Bien-sûr, je suis invitée et le maté passe de mains en mains. Ils sont très impressionnés par mon périple, inspectent avec curiosité mon matériel et me noient de conseils. A l'heure du sommeil, les selles se sont transformées en couches confortables. A ceci servent les 7 épaisseurs de tapis et les peaux de mouton des selles argentines. Je suis un peu jalouse...

Le lendemain, il faut quitter la province de Mendoza pour entrer dans celle de San Juan. Pour cela, il faut traverser le fleuve San Juan. Et pour cela, il faut trouver un passeur. En effet, il y a beaucoup de courant et le sol offre de belles piscines invisibles qui le rende infranchissable. Riche des indications de mes amis de la veille, je trouve Felix dans une petite maison d’adobe isolée. Il me conduit au passage. L'eau tourbillonne, je me fais répéter, inquiète de ne pas avoir bien compris l'itinéraire exact. Il faut y aller. J'approche Cléto de l'abord mais ce dernier refuse catégoriquement d'entrer dans l'eau. Le sol est meuble et j'ai déjà pu me rendre compte à quel point il a en horreur les sols marécageux. J'insiste et nous nous amusons à une démonstration de magnifiques cabrés. Cléto le têtu a dit non. Je quitte pantalon et chaussures sous le regard stupéfait de mon guide et emmène Mojito en longe. Comme prévu, Cléto suit derrière comme un petit toutou. Bourrique va ! Grisou hésite 2 secondes et se jette à l'eau. Il est entrainé par le courant mais arrive à sortir de l'eau quelques dizaines de mètres plus loin. Je suis mouillée mais nous sommes de l'autre côté. Un peu plus loin, arrivée à un village, je m'arrête grignoter un bout de pain et me retrouve devant une milanesa de pollo(milanaise de poulet) invitée par Rosana (22ans, enceinte de son 5èmeenfant). Générosité simple offerte au voyageur. Une nouvelle famille, une nouvelle histoire, tout un voyage.

Nous arrivons chez Naldo Morales, un magnifique indien huarpe. Ici ne vivent que des hommes, des potiers. Ils fabriquent des céramiques gigantesques à l'image de leur four semi-enterré en terre. Il leur faut toute la journée pour le monter en température et y cuire les poteries. L'alimenter de bois semble un pur bonheur quand on aime la chaleur des saunas. J'ai du mal à l'imaginer en été par 50°C à l'extérieur.

 

Reste à traverser les médanos, de grandes et magnifiques dunes. C'est beau mais fatiguant. Les chevaux s'enfoncent. Nous avançons à 3km/h dans une totale solitude. Pas un chat, seuls de nombreuses traces d'animaux, serpents, oiseaux, rongeurs nous rappellent que le désert est vivant. Puis c'est la Difunta Correa, village sans âme dédié à l'arnaque "religieuso-touristique". Des pèlerins de tout le pays (il paraît du monde entier) s'y rendent. On y mange les sandwiches les plus chers de toute la province. Le foin est hors de prix. Oui mais qui est donc cette Difunta Correa ? Une sainte, morte de soif dans le désert parce qu'elle avait voulu suivre son mari enrolé dans l'armée de San Martin. On aurait retrouvé à son sein, un nouveau né encore vivant. A elle sont dédié tous ces autels qui jalonnent le bord des routes. Pour elle, on y dépose des bouteilles d'eau, pour qu'elle puisse y étancher sa soif et exaucer les voeux des pauvres mortels. Voilà pour moi une énigme qui se lève. N'en demeure pas moins que l'accueil est froid et calculateur. Je trouve néanmoins refuge chez Remon Dia, dit El Flaco Dia et monte la tente dans un patio qui ressemble plutôt à une décharge. Dolina (15 ans) avec son fils Milton (8 mois) m'aide à défendre Grisou des chiens du quartier.

 

La tactique des étapes courtes mais rapides a fonctionné pour la partie haute du garrot qui a bien cicatrisée. Pour la partie sous le bât, c'est plus compliqué. Je fini par décider de libérer totalement Mojito de sa charge. Je demande assistance à la police et j'ai la chance inouïe de tomber sur el Sr Torres qui le lendemain matin sur ses heures de repos et après 48h de service, fait 86km pour emmener le bât à 43km de là, à Bermero.

 

A Bermejo, je m'arrête chez des indiens. Je n'ai pas bien compris les liens familiaux qui les unissaient et en particulier qui étaient les parents de chacun des enfants. Mais cela ne semble poser de problèmes à personne. Des enfants, ils y en a à peu près 5 par adulte. Les plus jeunes des parents ont 15 ans. Tout le monde vit ensemble, il y a des lits partout. On vit dehors et on se serre autour du brasero à la tombée de la nuit devant la télé. Quelle ambiance ! On m'a bien-sûr trouvé un lit et une place près du brasero.

Pas d'internet, pas de réseau pour le portable, San Juan est une province plus pauvre que les précédentes. Les gens ont l'habitude d'être assistés. Ils font des enfants, beaucoup d'enfants et vivent des aides sociales. Ils disent eux-même qu' « ici on peut vivre tranquille sans travailler ». La porte est toujours ouverte pour les voyageurs nomades de mon espèce, les enfants toujours curieux et leurs 1000 questions.

Ces villages sont totalement sous perfusion. Tout vient de l'extérieur sous forme de dons humanitaires. Tout, jusqu'à l'eau apportée par des camions une fois par semaine. Des villages entiers dans le désert, sans eau. Inimaginable ! Même les animaux s´abreuvent de l´eau apportée par les camions. Les années de sécheresse, des cheptels entiers peuvent être décimés entrainant la disette de leurs propriétaires.

Le confort est bien-sûr très sommaire. Les toilettes sont un trou dans une cabane d'adobes au fond de la cour. Il y a une douche dans une autre petite cabane d'adobes avec un bidon d'eau sur le toit. On le remplit au seau avec de l'eau chauffée sur le feu de bois. Je reste un jour. Le lendemain à mon départ, Maria (19ans) est en train d'accoucher de son 2ème. On attend l'ambulance qui vient de la ville à 100km de là.

 

Nous repartons plus légers puisque le bât et le chargement ont pris le bus pour La Rioja. Cela signifie :

- pour Mojito, la promesse de se promener le dos nu et de pouvoir cicatriser,

- pour nous, des étapes plus longues et plus rapides,

- pour moi, plus de tente, quasiment plus de vêtements de rechange ni de nourriture. Dans les sacoches, une culotte, un tee-shirt chaud pour le soir, 3kg de maïs, du pain, un bout de fromage, les croquettes de Grisou, le duvet, un peu de pharmacie d'urgence, une brosse à dent et un bout de savon, la carte, les libretas des chevaux, un livre et l'appareil photo. Ceci dit, finalement, ca fonctionne bien aussi!

Entre deux villages, pas d´eau, toutes les rivières sont à sec, rivières de sable. Cela nous oblige à faire des étapes plus longues, jusqu’à 60km par jour. Grisou prend alors un raccourci motorisé (j´arrête une voiture qui me l´emmène un peu plus loin) pour économiser ses pelotes qui souffrent sur des étapes aussi longues.

Nous ferons encore un sympathique arrêt, à Marayes chez Oscar à l'accent chantant. Nous nous rapprochons de Cordobà et l'accent y est merveilleux. Un peu comme l'accent marseillais pour nous. Pour la nuit, Mojito portera une belle cape confectionnée avec des sacs de maïs. Ici, il y a des vampires. Pas question qu'ils viennent mordre la plaie en cours de cicatrisation. Le petit âne d'Oscar présente de nombreuses traces de morsures. Les ferrures commencent à souffrir. Je resserre les clous et prie pour que cela qu'ils tiennent jusqu'à Astica. Le terrain est très abrasif et nous devons parfois trotter sur l'asphalte.

 

A Astica, je m'arrête un jour pour récupérer de nos grosses étapes. Il s'avère difficile de trouver un terrain herbeux pour les chevaux. Ils devront rester à la longue corde. Je les déplace toutes les 3 heures. Entre temps, je me balade en moto avec Angel. Sans casque bien-sûr mais le service des urgences n'est pas loin (200km). La région est belle, au pied des montagnes. La terre est rouge. On en fait de magnifiques cabanes couleur feu. De grands cactus, les cardóns se dressent çà et là. La légende dit que chaque Cardón est un indien pétrifié qui veille sur la vallée ou la montagne, les protège des agressions extérieures.

 

Sur la route 4 hommes m'arrêtent et m'invitent à partager un asado. Ils sont en train de construire un mausolé sur les lieux où un de leur ami, un jeune jockey de 23ans, s'est tué en moto, de nuit, en percutant une vache. Accident fréquent et qui justifie l'omniprésence de ces clôtures qui bordent les routes et m'agacent tant. Fabian le véto, Igradil le maréchal ferrant, Luis et Felipe les jockeys, tous sont en lien avec les chevaux et m'accueillent avec chaleur et fierté. Igradil est le maréchal ferrant que j'ai tant cherché à Astica. Le bonhomme est chaleureux et bienveillant. Chilien réfugié en Argentine durant la dictature de Pinochet, ses anecdotes sont passionnantes. Sur leur conseil, je m'arrête à San Agustin de Valle Fértil chez Alejandro Gomèz qui élève et entraine des chevaux de course. Je suis de nouveau dans un lit. Décidément ma tente ne me fait pas défaut ! Alberto, le frère de Alejandro referre les chevaux. Un vrai ferrage à la française ! Le meilleur maréchal du voyage ! Je m'amuse du nom des chevaux d'Alejandro. En général, les argentins nomment simplement les chevaux par leur couleur. Ici, on est plus original : el potro moro (le grand poulain mâle gris), el otro moro (l'autre gris), salsicha (saucisse), zanahoria (carotte), juan sin ropa (jean sans vêtement).

 

J'apprécie le repos de ces 2 jours chez les Gomès. J'ai du mal à récupérer de la fatigue accumulée. Dormir par terre ou dans de mauvais lits, voilà qui fini par se ressentir. Les écarts thermiques me fatiguent aussi, la chaleur de la journée et les nuits glaciales. Les chevaux vont bien, fatigués aussi. Nous changeons de maison tous les jours, et la nuit, ils ne récupèrent pas autant que s'ils étaient dans un lieu connu. Le dos de Mojito est presque guérit. Grisou a mal aux pattes après ces longues étapes pleines d'épines.

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